Collectif Éthique sur l’étiquette

Turquie : Carrefour et Ikea bradent les droits



« Face à la multiplication des problèmes, nous avons organisé les travailleurs dans l’usine » explique Engin Sedat Kaya, représentant du syndicat national des travailleurs du textile, Teksif. « Mais depuis que la direction de Menderes a eu vent de notre activité syndicale, elle a convoqué les leaders du syndicat les uns après les autres, pour leur demander de quitter le syndicat, faute de quoi, ils étaient licenciés… ».

Liberté syndicale bafouée Ces tentatives d’intimidation envers les membres du syndicat ont, selon ce dernier, débuté en mars 2008, lorsque les travailleurs ont commencé à s’organiser. Depuis, certains ouvriers ont été réaffectés à d’autres postes pour lesquels ils n’avaient ni qualification, ni formation appropriée. Pour ceux qui ont refusé de quitter le syndicat, d’être mutés ou de démissionner, la direction de Menderes est même allée jusqu’à harceler les membres de leur famille également employés dans l’usine.

En août dernier, des travailleurs et syndicalistes de Menderes ont protesté pendant 190 jours contre les licenciements injustes dont ils estiment avoir fait l’objet. Ils en ont alors appelé à la responsabilité des entreprises européennes et américaines qui se fournissent auprès de Menderes, et leur ont demandé d’intervenir. Cet appel a également été relayé par la Fédération internationale des travailleurs du textile, de l’habillement et du cuir (FITTHC) qui en janvier dernier a, à son tour, invité les entreprises clientes à prendre des mesures.

Entre-temps, huit travailleurs licenciés ont porté leur affaire devant la justice, pour demander leur réintégration. Ces affaires sont actuellement en cours, mais les travailleurs craignent qu’elles ne soient pas jugées avant des années…

Réaction insuffisante des marques clientes

En octobre dernier, Ali Altamaz, directeur général de Menderes a déclaré : « Nos vrais patrons sont les entreprises qui s’approvisionnent chez Menderes. Si elles nous demandent d’agir ou de négocier avec le syndicat, nous sommes prêts à le faire ».

Les principaux clients de Menderes, parmi lesquels Carrefour et Ikea, ont été informés des problèmes dans cette usine depuis plusieurs mois. Malgré les différentes sollicitations dont ils ont depuis fait l’objet, ils n’ont jusqu’à présent pris aucune mesure susceptible de pousser Menderes à mettre fin aux abus rapportés.

Ikea a commandé un audit des conditions de travail chez son fournisseur turc, lequel n’aurait constaté aucune violation majeure des droits des travailleurs dans l’usine. Bien que les résultats de cet audit en particulier n’aient pas été rendus publics, la capacité des audits de ce type à mettre en lumière des violations des droits des travailleurs et notamment de la liberté syndicale dans des usines sous-traitantes a déjà été remise en cause à de multiples reprises. Et les violations rapportées par le syndicat Teksif dans l’usine de Menderes apparaissent en totale contradiction avec les engagements pris par la marque suédoise dans son code de conduite.

Carrefour, de son côté, a signifié son intention de répondre à ces diverses sollicitations, de manière coordonnée, avec d’autres entreprises clientes de Menderes. Cependant, après plusieurs mois de concertation, aucune véritable demande n’a été adressée à Menderes, et la réaction des marques semble trop timide pour que l’on puisse croire à une réelle volonté de résoudre les problèmes.

Soutenez le syndicat turc TEKSIF et exigez des groupes Carrefour et Ikea le respect des libertés syndicales et des conditions de travail dignes dans leur usine sous-traitante.

Ils affichent des chiffres d’affaires de plusieurs dizaines de milliards d’euros, sont présents dans une multitude de pays et ont des centaines de millions de clients à travers le monde. Carrefour, le mastodonte français de la grande distribution, et Ikea, la marque star d’ameublement suédoise, sont des « géants » de la distribution mondiale, à tous points de vues … sauf celui du respect des droits. Ainsi à Denizli, en Turquie, chez Menderes Tekstil, l’un de leurs fournisseurs communs, un syndicat dénonce depuis des mois les conditions de travail dangereuses et la violation de la liberté syndicale des ouvriers qui fabriquent du linge de maison. Interpellés à de multiples reprises sur la question, en leur qualité de donneurs d’ordres, et en vertu des engagements publics qu’ils ont pris en matière de responsabilité sociale, Ikea et Carrefour tardent toutefois à prendre les mesures nécessaires pour répondre à ces demandes.

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